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31 août 2018

Briser l'isolement des correcteurs dans l'édition et dans la presse

Rapport d'activité du secrétaire délégué de la section des correcteurs du Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT (juin 2018). 

Ce n’est, hélas, pas nouveau, mais le constat demeure et la dynamique se poursuit : notre métier est attaqué de toutes parts, menacé par la dégradation des conditions de travail et les suppressions de postes, dans l’édition comme dans la presse. Aussi le syndicat n’a-t-il pas chômé, ces derniers mois, mobilisé sur plusieurs fronts, professionnels bien sûr, mais aussi interprofessionnels.

Pour un déploiement numérique des cassetins de presse

Dans la presse, c’est essentiellement autour de la question de l’emploi, des effectifs et des périmètres d’intervention des cassetins que nous sommes intervenus ces derniers mois. D’abord au journal L’Équipe, où le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé par la direction en janvier 2018 cible ouvertement, et sans pincettes, les anciens ouvriers du Livre, petites mains de la fabrication du journal : les correcteurs et les photograveurs (salariés travaillant à l’imagerie et à l’infographie). Chez les correcteurs, ce sont trois postes de piétons (CDI) qui sont supprimés, ainsi que la permanence, qui faisait travailler régulièrement cinq rouleurs (pigistes).

Après le beau succès d’un rassemblement que nous avons organisé devant le siège du journal le 15 février 2018, avec un bombardement du bâtiment à coups de journaux, la direction a bien voulu nous recevoir et ouvrir directement les discussions avec notre syndicat, au sujet, notamment, de l’avenir des correcteurs de l’entreprise et, plus généralement, du service de correction. Ne souhaitant pas court-circuiter le travail de l’intersyndicale des journalistes de L’Équipe, mobilisée contre le PSE dans le cadre des instances représentatives de l’entreprise, notre intervention auprès de la direction a essentiellement visé à s’assurer de trois choses : qu’il n’y ait aucun départ contraint, que le service correction soit toujours viable après la réduction de son effectif et que les rouleurs bénéficient du même traitement que les piétons. Nous avons également demandé, dans un souci de faire valoir le métier et de récupérer une charge de travail qui échappe encore au service, que les correcteurs puissent désormais intervenir sur le support Web du journal (son site Internet). Car nous ne sommes pas dupes : si les correcteurs ne sont pas implantés sur le site Internet, ils disparaîtront bientôt de l’entreprise, la direction prévoyant une fin du support papier à moyen terme – quand bien même n’a-t-elle pas encore trouvé de modèle économique viable pour son site Web. À l’heure où je tape ces mots sur le clavier, nous sommes assurés qu’il n’y aura pas de départs contraints à la correction et que les rouleurs bénéficieront bien des mêmes conditions de départ ou de reclassement que les piétons ; quant à la demande de correction du site Web, la direction nous a fait savoir qu’elle entendait notre revendication, mais qu’elle n’ouvrirait pas de discussions à ce sujet avant la fin du PSE… Toujours est-il que, pour l’heure, le plan a été « suspendu » par la Direccte, qui semblerait trouver beaucoup à redire sur certains points. Les échéances initiales sont donc repoussées de plusieurs semaines… et, avec elles, l’avenir des salariés.

Au Parisien, pas de plan social pour l’instant, et l’on ne le regrettera pas ! En revanche, le syndicat est toujours à l’œuvre pour obtenir la titularisation d’un rouleur présent dans l’entreprise à plein-temps depuis de (trop) nombreuses années mais toujours bloqué dans une situation de précarité professionnelle. Plusieurs réunions ont eu lieu à ce sujet avec la direction des ressources humaines ; les discussions, malmenées par un jeu de chaises musicales aux RH et à la présidence du groupe, pourraient bien aboutir prochainement. Nous avons également mis sur la table des discussions paritaires la question de la correction du site Internet du journal, par le biais de questions posées dans le cadre des réunions DP et d’une interpellation de la direction par courrier, puis par tracts. À cette heure, l’idée que le site Web du Parisien soit corrigé n’est pas partagée par la direction, mais nous comptons bien lui faire entendre raison ! Avec, à l’appui, comme à L’Équipe, l’exemple du quotidien du soir, Le Monde, qui, en la matière – et en la matière seulement… –, fait plutôt figure de « bon élève ».

Au-delà du seul cadre des entreprises de presse, nous réfléchissons, avec nos camarades du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), à lancer une sorte de « campagne nationale » pour la correction des sites Internet des journaux de la presse quotidienne nationale. Les modalités de cette opération sont encore en discussion entre nos deux syndicats, mais l’idée serait de faire valoir, à l’appui d’une pétition, une même demande portée par trois voix différentes : celle des journalistes, qui demanderaient que leurs productions destinées au Web soient corrigées ; celle des lecteurs, qui demanderaient à avoir droit à une presse numérique de qualité ; celle des correcteurs, qui demanderaient que leur métier et ses savoir-faire soient reconnus par les directions de la presse dans le cadre des politiques de transition numérique. Selon le succès rencontré par cette initiative, nous interviendrons ensuite auprès du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) pour porter devant l’instance patronale de la branche notre revendication d’un déploiement des cassetins sur les supports numériques des journaux.

Dans l’édition, l’hypocrisie du patronat renforce la précarité des TAD

Dans l’édition, la météo sociale n’est pas au beau fixe. Les espérances de fin 2017, nées de l’ouverture de négociations sur le statut des travailleurs à domicile (TAD), ont vite été balayées par le double jeu du Syndicat national de l’édition (SNE, employeurs), qui se vante de travailler à « déprécariser » les TAD quand, dans les faits, il œuvre surtout à un accord au rabais, qui sécurise bien davantage les maisons d’édition que les correcteurs en encadrant des pratiques à la marge de la légalité. Et si nous sommes parvenus à obtenir quelques droits concernant la formation professionnelle, la couverture santé et l’indemnisation de la fluctuation d’activité, le SNE a refusé de revoir les cadences de la correction, de donner une possibilité sérieuse aux TAD d’obtenir le lissage de leurs revenus et, pis, de leur accorder, en cas de licenciement ou de départ en retraite, les indemnités prévues par la convention collective, leur préférant des indemnités moins disantes. Cet épisode, initialement censé aboutir à une révision en profondeur de l’annexe IV (qui régit le statut des TAD), ne fait que traduire à nouveau la volonté du patronat de l’édition de faire des travailleurs à domicile, et des correcteurs en particulier, des salariés à part, discriminés, d’autant plus corvéables qu’ils sont exclus des garanties sociales collectives de la branche et sans cesse menacés par cette épée de Damoclès qu’est la fluctuation de l’activité.

En l’état, l’horizon semble bien obscur… Pourtant, le fatalisme ne doit pas nous gagner. Ne désespérons pas de pouvoir un jour construire le rapport de force nécessaire à l’obtention d’un accord permettant de sécuriser réellement les travailleurs à domicile. Le travail syndical à faire dans la branche est énorme et de longue haleine, tant cet univers ressemble, sous ses airs de temple de la culture, à une jungle sauvage où les employeurs font ce qu’ils veulent du moment qu’ils ne rencontrent pas de résistance organisée et soudée. Si cet accord-là n’aboutit pas à ce que nous voulons, la CGT ne le signera pas, c’est une évidence. Si c’est le cas – et c’est bien ce vers quoi l’on se dirige… –, l’on pourra certes regretter toute l’énergie dépensée dans ces réunions et les mobilisations de la profession qui les ont accompagnées, mais l’on pourra aussi se réjouir que la dynamique lancée autour de ces discussions paritaires ait permis à des correctrices et des correcteurs de se rassembler, de se rencontrer, de discuter et de lutter ensemble. Ces liens-là, ces relations militantes sont précieux et serviront de socle à la construction des prochains rapports de force. Un début de la fracture de l’isolement professionnel, qui n’a que trop condamné les correctrices et correcteurs de l’édition à la précarité.

Informer et former !

L’autre souci du syndicat depuis quelques mois, parallèlement aux actions et revendications portées dans les secteurs, c’est l’information et la formation des syndiqués et des salariés. La Table ronde « édition » que nous avons organisée le 9 juin 2018 a montré combien les salariés pouvaient manquer d’informations sur leurs droits et l’actualité sociale de leur branche professionnelle. Cette réunion a été particulièrement bien suivie, rassemblant une vingtaine de correctrices et correcteurs de l’édition, TAD ou auto-entrepreneurs, preuve que nous avons besoin de débats, d’échanges, et que ce genre d’initiatives, attendues semble-t-il, est à réitérer régulièrement. Une deuxième table ronde sera donc organisée avant la fin de l’année 2018 ; aucun thème n’est encore fixé à l’heure qu’il est, et toutes les idées sont les bienvenues !

Le lancement de La Lettrine en avril 2018 répond aussi à ce souci, pour le syndicat, d’informer ses mandants et, plus largement, l’ensemble de la profession. Cette petite lettre d’information de huit pages, adressée à tous les correcteurs syndiqués et à tous ceux qui en font la demande, est amenée à se glisser entre deux numéros de Cantonade, notre bulletin historique, et à offrir un contenu plus ouvert, moins « interne », couvrant aussi bien les enjeux syndicaux actuels des correcteurs que l’actualité culturelle du métier, son histoire, ses traditions. Le très bon accueil reçu par le premier numéro nous encourage à poursuivre cette publication, et un ou deux autres numéros devraient, en plus du prochain Cantonade, paraître avant la fin de l’année. Les colonnes de La Lettrine sont ouvertes à tout le monde, alors n’hésitez pas, si la plume ou le clavier vous titillent, à nous faire parvenir quelques mots !

Guillaume Goutte
Secrétaire délégué

 

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